JOUR 1
- The Souvenir part I de Joanna Hogg – Quinzaine des réalisateurs
La romance d’une étudiante en cinéma et d’un toxicomane, qui, comme les histoires d’amour en général, finit particulièrement mal. Trop carré, trop sérieux, le film déroule son scénario sans créer d’empathie ni pour l’un ni pour l’autre. - Ouistreham d’Emmanuel Carrère – Quinzaine des réalisateurs
Une adaptation délicate et honnête du livre de Florence Aubenas, dans laquelle Juliette Binoche ne paraît plus jouer, mais vivre à son tour l’expérience bouleversante de se mettre à la place des « invisibles », où l’on retrouve la même joie, la même bienveillance que dans le film éponyme de Louis-Julien Petit. L’actrice y joue d’ailleurs aux côtés de vraies femmes de ménage, qui ajoutent nécessairement à la véracité et à la justesse du film. Un film social certes, mais lumineux et pas misérabiliste.
JOUR 2
- Tout s’est bien passé de François Ozon – Compétition officielle
Un père qui a passé sa vie à être détestable demande à ses filles un immense geste d’amour. Soyons honnête, sur ce sujet épineux de la fin de vie, le film en lui-même n’a rien de très original, ni du point de vue de la forme ni du fond. Mais la dignité de Sophie Marceau face à un choix cornélien et le jeu tout en nuances d’André Dussollier en grincheux mourant confèrent beaucoup de légèreté à ce sujet grave. - Grosse Freiheit de Sebastian Meise – Un Certain Regard – Prix du Jury
Après la guerre, un homosexuel est en prison parce qu’être gay est un délit selon l’article 175 du code pénal allemand. Utopiste et obstiné, le personnage incarne la liberté comme état d’esprit, la dérobe et la démultiplie de toutes les manières, sous toutes les formes, au nom d’un besoin plus fort que tout – et pour lequel on peut tout endurer. Le film vaut surtout pour sa fin, où la luxure – dans sa dimension la plus libre et animale – est soudain remplacée par un plus fort besoin d’amour. Sublime. - Cow de Andrea Arnold – Cannes première
La vie cruelle et répétitive d’une vache laitière. Si le propos est louable, sur le sort désastreux des animaux d’élevage, la forme est carrément insoutenable. Filmé en caméra portée avec l’image qui sursaute, ce calvaire à hauteur de vache, enchaîne les plans larges et gros plans sans autre forme de commentaire que les meuglements des pauvres bêtes qui s’époumonent et se répondent entre-elles. Ce côté expérimental pourrait avoir son charme, si comme dans « Gorge, coeur, ventre » de Maud Alpi, il y avait en plus une certaine idée de mise en scène. Mais à vouloir recréer ce qu’il y a de plus brut et de naturel, le spectateur s’y perd et s’y ennuie. Ferme. - Un Monde de Laure Wandel – Un Certain Regard – Prix FIPRESCI
Ce monde, c’est celui, clos et cruel, de la cour de récré, où la pureté de l’enfance n’est qu’un leurre. Le film, bouleversant, s’ouvre sur l’image d’un grand frère qui rassure sa petite soeur. Mais derrière l’image idyllique, une plongée noire dans l’enfer du harcèlement. Ce monde, c’est aussi l’art de la dissimulation, produit par la peur et la honte face à la méchanceté crue des enfants, comme un bloc monolithique et froid. Cette sensation d’enfermement, à la fois dans cette école et dans cette spirale, rejaillit forcément dans la mise en scène, dont la soeur est la seule témoin. Comment les adultes peuvent-ils ne pas voir ce qui se passe ? La progression du film suit l’évolution des sentiments, contradictoires, entre l’amour et la haine, la violence et la fragilité, et l’inversion des rôles, entre les dominés et les dominants. Une claque. - After Yang de Kogonada – Un Certain Regard
Dans ce film d’anticipation, un père et sa petite fille adoptive s’évertuent à sauver leur androïde, membre à part entière de leur famille. Caustique et sérieux sans se prendre au sérieux, Colin Farrell y est aussi ambigu que chez Yorgos Lanthimos. Et si les robots nourrissaient aussi des sentiments ? C’est en substance l’enjeu du film, qui refuse de voir s’éteindre la machine, tant elle s’est si bien substituée à l’humain – au point de quasiment l’incarner. Généreux au début, le film se perd un peu dans un tas d’explications philosophiques obscures qui étiole quelque peu la tension du film. Dommage. - Julie (en 12 chapitres) de Joachim Trier – Compétition officielle – Prix d’interprétation féminine
Julie voudrait prendre des décisions. Jeune trentenaire libre et moderne, Julie rêve d’autre chose… sans trop savoir ce qu’elle attend. Ce portrait en douze chapitres, un prologue et un épilogue n’a d’autre enjeu que de suivre la l’odyssée sentimentale et les élans spontanés de Julie, incarnée par la pétillante Renate Reinsve, Prix d’interprétation féminine. L’originalité de la mise en scène, que Julie semble avoir le pouvoir de contrôler, ajoute à la légèreté de cette oeuvre, sans autre dramaturgie que la quête amoureuse de son héroïne, mais sans mièvrerie. Doux et agréable.